Guerre de 14-18

Armée d'Orient - Le témoignage de Georges Daubourg

Mars à août 1917 Zivonia, Dragomance, la Macédoine

 

"... D'après ta lettre je vois que tu n'as jamais reçu la description de ma première randonnée de janvier, je me rappelle très nettement maintenant que j'en ai parlé, mais comme je pestais fort contre l'autorité militaire, la censure l'a peut-être mise au panier à moins que les congres de la Méditerranée se soient délectés de ma prose.

Les détails n'en sont déjà plus très frais à ma mémoire, mais le but de ce voyages est d'accompagner les renforts qui montent à pied à Monastir, de prendre les sacs des fatigués, de prendre les malades à bord et de les évacuer si c'est nécessaire sur l'hôpital le plus proche. Pour ce travail on est accompagnés d'un major auquel incombe la partie sanitaire.

Ce dont je viens de parler est la mission théorique , l'utilisation pratique de la voiture étant des fois captée par les off.. De là le but de ma deuxième randonnée pour constater au vol quel travail faisaient les voitures.

J'ai eu la chance de tomber avec un major très gentil, le docteur Brissac médecin dans la région du Rhône avec lequel j'étais au mieux, le capitaine du détachement employé à la Banque de France à Paris était aussi fort agréable, nous nous sommes quittés en vrais camarades..."

"...J'étais cependant un heureux comparé aux poilus. Les pauvres, habitués en France à ce qu'on les mène en camion aux tranchées, ils ont ici à s'appuyer avec le sac sur le dos, le chemin de Monastir avec ses côtes et sa route défoncée. 20 Km par jour en moyenne. Ce renfort formé de récupérés, anciens blessés sortant des dépôts, anciens inaptes reversés dans l'infanterie, sont peu entraînés pour un voyage aussi dur.

Nous avions une compagnie de zouaves qui ont à peu près bien marché, mais les fantassins n'ont pas été épatants, loin de là, la mauvaise volonté étant même flagrante.

Ce départ au 1er janvier était déjà une très mauvaise chose, les 5/6 des hommes étant ivres, ayant tous quelques sous qu'ils avaient ramenés de France. A la visite du matin il y en avait jusqu'à 250, comment veux-tu que le major les examine, impossible, il les exemptait de sac et faisait monter en voiture ceux qui lui semblaient le plus malade. Tous les jours on en évacuait de pleines voitures sur les hôpitaux. Les traînards étaient jusqu'à 5 Km en arrière. 

L'organisation était au dessous de tout, comme toujours, pour un pareil renfort il n'y avait même pas une cuisine roulante, la viande touchée en route fut du frigo et le ravitaillement de pinard manqua 3 jours.

Nous avons eu de très mauvaises étapes telle celle d'Ostrovo à Vladova, pluie continuelle et brouillard intense. On arrive à Vladova vers 18 heures, nuit noire à cette époque, le terrain est entièrement détrempé, c'est là qu'il faut ériger la tente individuelle, opération difficile à faire de nuit, la toile qui était dans le sac est trempée, impossible de la tendre, les deux couvertures mouillées de même et sépareront bien peu le corps de la boue du sol. La distribution est faite par escouades. Problème insoluble, il faut manger de la viande frigorifiée. Pour cela, du feu est nécessaire, la viande étant gelée il faut plus de feu que pour la viande fraîche. Des troupes passent là depuis longtemps, d'où plus d'arbres. Quelques maigres brindilles trouvées dans la montagne refusent de brûler, elles sont noyées d'eau. Les hommes harassés, trempés, mangent une croûte de pain et se couchent dans la boue par une température de 0° environ. Vers le milieu de la nuit la fatigue étant moins intense, le froid les réveille, ils se lèvent et marchent pour le combattre. Voilà comment on entretient le moral de nos troupes." 

"... On ne croirait jamais qu'en l'an de grâce 1917 le chemin de fer est inventé, les camions de même ainsi que les cuisines roulantes. Nous sommes les seuls qui montons ainsi à Monastir, les Anglais prennent le train, les Italiens vont à pied mais tous bagages et sacs portés par camion . Pauvres Français, chargés comme des bourriques, ils vont à pied, ils se consolent en pensant que nombre d'off. inutiles à l'arrière ont de superbes limousines pour promener leurs loisirs , les mener au music-hall, balader leurs maîtresses, etc.

Ils se disent la France est joliment riche pour se payer le luxe d'entretenir d'aussi nombreux parasites."

 

Extrait d'un lettre à son père datée du 16 mars 1917 (lettre visée par la censure, semble-t-il)

Zivinia (non localisé

en Macédoine

Caravane de femmes serbes, Zivinia 28/03/1917

"Un épisode intéressant que je ne connaissais pas. Les habitants de Gornichevo, pauvre village que l'on trouve après le col d'Ostrovo à une altitude de 12 ou 1500 m n'ont pas de puits, ni de sources. ils sont obligés de se contenter de l'eau du ciel. Beaucoup de villages en France sont dans les mêmes conditions, mais le régime hydrographique est différent. Ici il y a des fois 4 mois sans pluie, aussi ils font en ce moment des réserves de neige qu'ils mettent dans les anfractuosités de rochers, des cavernes si tu veux où la neige se conserve même l'été, c'est assez curieux de voir ce transport de neige soit à dos de bourriques dans des grands paniers soit sur la tête des femmes."

"Hier nous avons eu la visite de 24 aéros boches, des appareils magnifiques de 24 m  d'envergure, c'était comme des aigles. Leur altitude était de 2.400 m environ et malgré cela ils étaient très apparents vu leur taille. Le convoi marchait en ordre comme des oies sauvages un moniteur de tête et un de queue l'avant en triangle. Je croyais que c'étaient des aigles ils sont si nombreux dans le pays, mais non c'étaient bien des aéros. La batterie de 75 notre voisine nous a cassé les oreilles en leur adressant 370 coups en quelques minutes, fiers et majestueux ils sont passés au dessus sans se laisser intimider. Morel avait fait une tranchée pour servir de siège et de table je me suis collé au fond de ce boyau pendant le passage les autres de la section ont gagné les anfractuosités des rochers dans les montagnes voisines. 

Non seulement les bombes des ennemis sont à craindre mais surtout les éclats des obus lancés contre eux. Ils ont été bombarder un dépôt de munitions à Saculevo, les dégâts sont peu importants à ce que l'on dit. AU retour, ils avaient gardé deux bombes pour la batterie qui les avait salués et un s'est détaché du groupe pour venir les laisser tomber, elles sont tombées dans un champ voisin où il n'y avait personne fort heureusement. Les effets de notre batterie ont été nuls, il est vrai que c'est fort difficile, cependant ils en mettaient les gars et étaient trempés de sueur. Juste un nuage passant à ce moment m'a empêché de prendre des instantanés qui auraient été curieux.  C'est d'après leur télémètre qu ej'ai su que les avions étaient à 2.400 m, à l'œil, je les croyais à 1.000 m seulement.

Un obus a éclaté prématurément à la sortie du canon et fort heureusement n'a blessé personne."

 

Extrait d'une lettre à son père écrite le 27 mars 1917

Doliveni (non localisé) en Macédoine

Intérieur d'une ferme à Doliveni, 30/03/1917

Brod (aujourd'hui Mkedonski Brod), en Macédoine, une séquence sur le canon de 75 prise en mars 1917.

Un 75 auto en place pour le tir près Brod 30/03/1917

 

Le recul maximum, Brod 31/03/1917

 Le tir du 75 près de Brod, Morel pourvoyeur d'obus 31/03/1917

Patilino (Macédoine)

Les lieutenants Pesle et Loten aux rochers dominant Patilino, 31/03/1917

"... Le père Sagot, un vieux braconnier de l'Ain qui ne sort jamais sans son fusil et mange des perdrix quand les autres ont du macaroni, vient de me signaler qu'en furetant dans un ravin voisin il avait trouvé des bombes bizarres qui n'étaient pas là hier. J'y fus avec lui, il s'agit de bombes d'aéro dont le corps est gros comme les deux poings environ. il y en a une caisse pleine en tôle très déformée par la chute qui en contient 15 et près d'elle 11 autres bombes. Les bombes très bien emballées ne sont aucunement endommagées par la chute. Hier un avion est venu et a laissé tomber 4 bombes dans les environs tout laisserait supposer que les bombes trouvées ce jour sont les compléments de cet avion. a-t-il fait un looping the loop sans le vouloir, ou un virage sur l'aile qui lui aurait fait perdre sa "Kamelotte" ou bien son moteur tirant mal s'est-il débarrassé de sa charge nul ne sait.

Ces engins me semblent épatants comme conception, ils comportent non une fusée mais un percuteur à hélice qui leur permet d'éclater avant de toucher le sol pour faire plus de ravages. En H est l'hélice en question. Au moment où l'aviateur les lâche il tire sur l'anneau A ce qui a pour mission de de débloquer l'hélice  H et d'armer la bombe. La résistance de l'air fait tourner l'hélice H, dont le nombre de tour doit être calculé  pour faire éclater à 1.800, 2.000 ou autre. En somme l'aviateur doit se mettre à une altitude donnée par son altimètre et pour laquelle ses bombes doivent être calculées et là il n'a qu'à débloquer et lâcher.

      

Bombes tombées d'un aéro près de Zivonia, 7/04/1917 (actuellement Zhivojno, Macédoine)

On est obligé de convenir qu'à la guerre ils sont les premiers, ils nous enseignent tout, fort heureusement maintenant qu'ils ont le monde entier contre eux, on est sûr de les avoir mais au point de vue militaire ils étaient là.

Pour moi on ne m'ôtera jamais de l'esprit que la guerre est la chose la plus ignoble qui puisse exister, qu'elle est le fait de sauvages  et que ceux qui y prennent part de n'importe quelle nationalité qu'ils soient reviennent à l'état sauvage, qu'il ne peut y avoir d'honnêteté à la guerre puisque c'est un jeu de fourbes, il faut tromper son adversaire, faire des feintes et l'atteindre par tous les moyens possibles."

 

Extrait d'une lettre à son père datée du 6 avril 1917

Zivonia (actuellement Zhivojno), Macédoine

Comment on déménage sa maison en Macédoine, Zovonia 6/04/1917

(1 - Covignioux ; 2 - Malaquis ; 3 - Luce)

Dobroveni (Macédoine)

Marcel apprend à lire à Mammadou Diniouma, Dobroveni 8/04/1917

"C'est effrayant ce qu'il en a eu d'évacués pour maladie, nous restons 16 sur les 28 partis de Versailles, off. et gradés compris.

Nos 10 nègres ne feront jamais que des hommes de corvée. Le lieutenant a désiré que j'essaye de leur apprendre à conduire. Tous les matins, je vais donc avec eux au Champ de Mars, vaste esplanade où on peut se permettre des zig-zags mais je perds mon temps et ma peine, ces têtes laineuses se laissent difficilement pénétrer, ce changement de vitesse leur semble aussi difficile à déchiffrer que des hiéroglyphes, puis ils n'y prennent pas goût, aussitôt arrivés, en attendant leur tour ils se couchent par terre, là seulement ils sont heureux.

Comment veux-tu qu'ils s'intéressent à des machines aussi compliquées , eux qui ne savent même pas leur âge, qui sont cultivateurs pour la plus part et n'ont qu'un désir retourner au plus vite voir "femme au Sénégal". Pauvres malheureux pourquoi les a-t-on expatriés, pour leur montrer les bienfaits de la civilisation, en eux-même ils doivent se dire qu'au moins ils avaient des griefs contre leurs ennemis, quand ils se battaient chez eux, mais ici ils ont à se battre contre des gens dont ils n'ont jamais entendu parler.

Je viens de lire dans "lectures pour tous" de février un article intitulé : Les grands chefs du désert au service de la France : Imbéciles de journalistes qui nous bourrez le crâne, croyez-vous que ces goumiers, ces soudanais, ces marveanis travaillent pour la France, à d'autres on raconte ces balivernes, j'ai vécu auprès de marveanis en Champagne et suis ici depuis neuf mois avec nègres et annamites je puis affirmer que la guerre les anime parfois parce que leur instinct guerrier est encore très vivace, mais qu'ils ne mettent de cœur à la besogne que lorsqu'ils en voient un bénéfice immédiat : pillage de villages ou dépouillement des cadavres, comment le patriotisme pourrait-il vibrer chez des gens qui sont devenus Français devant la menace des fusils et des canons.

Les luttes de races ne sont pas finies hélas, malgré les moyens de transport, les mélanges de sang, les races opprimées grondent sourdement et le vent de la vengeance passe parfois en cyclone..."

"Je ne donne pas tort aux noirs, on les considère trop comme des frères inférieurs ou des animaux, que demandent-ils c'est d'être traités en égaux. Mon Dieu il me semble que c'est un devoir on a bien su leur faire verser leur sang, traitons-les avec bienveillance ..." 

 

Extrait d'une lettre à son père datée du 6 mars 1917

Slivica (Macédoine)

Une messe de pâques à Slivica, 8/04/1917

Brod, actuellement Novatsi, Macédoine

Les laveuses de linge à Brod, 10/04/1917

Florina (Grèce)

Mendigot turc, Florina 11/04/1917

Comment on va labourer à Florina, 11/04/1917

Guérard à Florina, vieille tour avec nid de cigognes, 11/04/1917

Dobroveni (Macédoine)

Comment les Bulgares transportent les fils barbelés près de Dohoveni, 22/04/1917

 

 

Billets de banque bulgares retrouvés avec les photos

 

Dragomance (Macédoine)

Type de maison à Miiekli, près Vertekop, 16/05/1917

 

 

   Une femme de Mecikili près de Vertekops 16/05/1917

La tenue de campagne au Kil.12 près Dragomani19/05/1917 (probablement Georges Daubourg sur la photo)

 

     

Fradin (rapetout) en annamite, 24/05/1917

Un affût de 155 crevé par un obus chargé sur Decauville à Subusko, 3/06/1917

 

Les impaludés avant leur départ (magnésium) 5/06/1917

(1 - Valentin, 2 - Mauger, 3 - Génevois, 4 - Sagot, 5 - Bonnet, 6 - Cougnoux, 7 - Deuhy)

Le père Rapetout le jour de son départ, 7/06/1917

Les tziganes forgerons à Dragomani, 7/06/1917

Une maison turque à Dragomani, 7/06/1917

Ecole turque sous le porche d'une mosquée à Dragomani 12/06/1917

La pêche des Sénégalais au Kil. 12, 13/06/1917

 

Yenitze Vardar (Macédoine)

Porche de la Grande Mosquée Yenitze Vardar, 20/06/1917

Région de Vodena, Grèce

Notre grand Nemrod Marceron et son 14ème lièvre

 

Une fileuse à Vodena 22/06/1917

 

Le porche du monastère Philippe près Vodena, 22/06/1917

 

 

Vakufköj, Grèce

 

 

 

 

A titre de comparaison, le Nieuport 11 du Musée du Bourget,

Sur la photo de Georges Daubourg, il s'agit probablement d'un

Nieuport 17

Un Nieuport capoté à Vakufköj, sur la photo Mauger, 28/06/1917

 

Un Nieuport capoté à Vertekops, 28/06/1917

 

 

Vertekop (actuellement Skidra, district de Pella), en Macédoine

 

Les mangeurs d'écrevisses, Vertekop, 30/06/1917

Vodena (Grèce)

Battage du blé à Vodena, 31/07/1917

Dragomance (Macédoine)

Une cigogne de la 78 sur le volant, Dragomani 16/08/1917

 

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